Motorisation barillet primaire newton

Écrit par Jean-Pierre le .

 Pourquoi motoriser le barillet primaire d'un télescope newton ? :

 Il y a 2 raisons pour lesquelles je me suis lancé dans cette modification, qui au passage n’est ni la première, ni la dernière effectuée sur ce télescope.

- La première raison est que lorsqu’on veut collimater un newton et notamment lorsqu’on s’attaque au primaire, si le tube est long (ou qu’on a des petits bras), il n’est pas possible d’avoir à la fois l’œil sur le porte-oculaire et une main en train de tourner les vis de collimation du primaire. Soit il faut être deux, soit en étant seul, naviguer entre le PO et le barillet primaire tout en étant très méthodique pour tourner la bonne vis dans le bon sens. Et forcément, ça prend un certain temps. Mais, ça reste tout à fait possible puisque la grande majorité des astrams le font ainsi.

 - La deuxième raison répond à une idée que j’avais depuis un certain temps : pourquoi ne pas se servir du barillet primaire pour réaliser la mise au point ?
Cette approche est d’autant intéressante en astrophotographie car une fois que le train optique est calé (backfocus, MAP cohérente, …) la correction de MAP lors d’une séquence photo est relativement faible. Il n’y a que les dilatations thermiques à compenser, et quand on a un tube carbone, on s’approche du zéro.

 Alors dans ce cas, pourquoi ne pas déplacer le primaire ? Cela permet de supprimer le focuser et implicitement de permettre de rigidifier le montage du train optique coté secondaire. Si le barillet primaire est suffisamment rigide, pas de problème à priori. Et ce n’est pas le faible déplacement du primaire qui va influencer l’équilibrage avant/arrière du tube ou modifier le vignettage au niveau du capteur.

 

Présentation de la modification, ou plutôt des modifications .... en images :

Au départ, mon newton est un ONTC 1212 de chez TS (300mm en f/4) avec un tube en carbone.

Le barillet primaire (parties fixe et mobile) est constitué d’une structure en profilés d’aluminium usinés qui présente une rigidité certaine. Il est également pourvu de vis tirantes et poussantes de manière à pouvoir effectuer la collimation.

Le tube est en outre pourvu de 4 séries de trous qui permettent de positionner le barillet primaire à une distance différente du miroir secondaire. L’objectif est en fait de pouvoir agir sur la distance entre secondaire et PO pour permettre d’y installer un train optique dont l’encombrement est plus ou moins long et permettre d’obtenir le bon focus.

Comme on peut le constater sur l’image à droite, l’arrière du télescope tel que livré est à l’air libre. Aucune obturation, ni ventilation ne sont présentes d’origine.

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La première modification réalisée sur ce télescope avait consisté à mettre une plaque usinée en aluminium portant un ventilateur. Il est important d’avoir une plaque qui obture (au moins grossièrement) la partie arrière de telle manière que le flux d’air généré par le ventilateur circule bien autour du miroir primaire, sinon, l’air n’est brassé qu’au niveau du ventilateur et le primaire n’est pas correctement balayé par le flux d’air.

J’ai utilisé une des séries de trous disponibles sur le tube pour fixer cette plaque. Il y a environ 50mm entre la plaque et la partie fixe du barillet primaire.

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Pour la mise en place de la motorisation, j’ai commencé par faire le modèle 3D de la partie mécanique à partir des éléments existants. Comme je souhaitais pouvoir faire de la focalisation en automatique, le choix de la motorisation s’est orientée naturellement vers des moteurs pas à pas, avec bien sûr l’électronique et l’informatique associée.

Pour la collimation sur place, il faut également disposer d’une raquette permettant d’agir sur les 3 moteurs et ce, dans les 2 sens de rotation.

 

Si j’en étais resté à de la collimation « simple », j’aurais opté pour des moto-réducteurs à courant continu, qui ne requiert aucune électronique. C’est d’ailleurs cette solution qui est à privilégier avec un équipement exploité en nomade, et surtout pour un dobson de grandes dimensions qui fait généralement l’objet d’un démontage/montage systématique. Et collimater seul un gros dobson, j’imagine que ça doit être un peu coton.

 

Je me suis servi de la plaque support de ventilateur pour y placer les moteurs pas à pas. Cette plaque a de fait été vissée directement à la partie fixe du barillet, ce qui a permis de positionner des transmissions courtes et de rigidifier l’ensemble du système. En conséquence, le ventilateur a dû être positionné en face extérieure de la plaque.

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La transmission de la rotation est effectuée à l’aide de poulies et courroies crantées qui évitent tout jeu (backlash comme on dit couramment en anglais) durant la rotation des moteurs.

Dans ce type de montage, il est nécessaire de prévoir un système coulissant pour permettre de régler la tension de chaque courroie crantée.

Chaque moteur est monté sur une plaque de réglage et des lumières usinées dans la grande plaque support permettent de faire coulisser chaque bloc moteur et ainsi de régler la tension des courroies

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Au passage, il n’y a plus de vis poussantes et tirantes sur le système. Il n’y a qu’un système vis/écrou. Il n’y a pas de risque de jeu au niveau du système car des ressorts de compression vient repousser la partie mobile du barillet. Il est néanmoins nécessaire de s’assurer que l’effort minimal exercé par les ressorts soit supérieur au poids maximal de la partie mobile du barillet, c’est à dire, lorsque le tube vise le zénith.

 

J’ai pesé l’ensemble de la partie mobile du barillet, y compris le miroir et les fixations. Sachant qu’il y a 3 vis de collimation, la charge unitaire par ressort est de fait divisée par 3. La position de compression mini des ressorts a été calée à 2 fois la charge maxi, ce qui donne la garantie qu’à aucun moment, du jeu ne peut être présent dans le système vis/écrou. Il est donc inutile de bloquer le barillet primaire après réglage.

Compte-tenu de ce réglage, la course maxi du système est de 6,5mm, ce qui est largement suffisant pour effectuer de la collimation et de la focalisation. Le couple des moteurs pas à pas et la réduction par poulies crantées est suffisant y compris jusqu’à obtenir cette course de 6,5mm lorsque les ressort sont écrasés au maximum et donnent leur effort maximal. Des tests de déplacement du barillet avec mesure au comparateur ont montré la bonne reproductibilité des positions.

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Pour réduire le coefficient de frottement entre poulie en aluminium et vis de collimation en inox, j’ai usiné les poulies de manière à insérer à force des « noyaux » en laiton. C’est une fois inséré que les noyaux ont été usinés. le but étant d’avoir la précision d’usinage maximum. Des butées à billes ont également été insérées sous les poulies.

 

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Coté pilotage des moteurs, le choix s’est porté sur un Arduino Nano avec 3 drivers de moteurs pas à pas. Les drivers dont des DRV8825, mais je vais les remplacer par des TMC2208 qui offrent un fonctionnement beaucoup plus silencieux des moteurs pas à pas. Ces derniers sont des Nema17.

Vu qu’il est possible de piloter les moteurs en micro-pas (de 1/1 à 1/32), la résolution de l’ensemble est ajustable entre 1,875 microns par pas à 0,0585 microns par pas. La CFZ du newton étant de 35,2 microns, j’ai largement le choix de la résolution.

 

Le fait d’ajouter cette motorisation à l’arrière du télescope augmente le poids des équipements. Mais dans mon cas, j’avais un contrepoids fixés à l’arrière du télescope et le système m’a permis de retirer ce contrepoids devenu inutile.

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Des fins de course on été installés sur les 3 branches mobiles du barillet. L’objectif est de pouvoir ré-initialiser si besoin la position des moteurs.

Le retour à zéro peut se faire soit sur la base d’un seul fin de course, c’est le cas pour de la focalisation, soit elle peut s’effectuer indépendamment pour chacun des moteurs si on est plus sûr de rien. Néanmoins, dans ce cas, la collimation est de fait perdue, donc à utiliser dans un cas extrême !

Housse arriere
L’ensemble barillet a ainsi été remonté avec le miroir primaire et son baffle de chanfrein qui permet également à l’air qui circule autour du miroir d’être rabattu vers la face supérieure du primaire. Housse arriere
Vue latérale du système avant remontage : Housse arriere
L'ensemble a été ré-installé dans le tube du newton. On aperçoit 2 poignées de manœuvre car introduire sur un bon 150mm la totalité du barillet équipé du miroir (c’est lourd) dans le tube alors que le jeu diamétral est réduit au minimum, ce n’est pas évident. Avec les poignées, c’est nettement plus facile. On voit également le connecteur USB pour piloter le système à distance, le connecteur de la raquette et l'inverseur qui permet de choisir le mode de pilotage (raquette ou distant) : Housse arriere
Pour protéger les organes de transmission, des capots viennent se fixer sur la plaque support : Housse arriere
J’ai néanmoins réalisé un circuit imprimé double face (conçu par moi et usiné sur ma fraiseuse CNC) pour supporter l’ensemble des composants et faciliter le dépannage au cas ou : Housse arriere

Le programme que j’ai développé pour l’Arduino permet soit d’utiliser une raquette à boutons, soit de piloter l’ensemble via un programme sur ordi distant.

 

Pour la collimation sur place, j’ai fabriqué une petite raquette, équipée de 6 poussoirs principaux qui permettent d’intervenir sur les 3 moteurs et ce dans chacun des sens de rotation, de 2 poussoirs permettent de réaliser de la focalisation (les 3 moteurs tournent simultanément) et d'un inverseur qui permet d’avoir 2 vitesses de rotation des moteurs :

Housse arriere

Pour le pilotage à distance, le programme a été développé en VB.net.

 

Ce programme permet la focalisation avec les commandes habituelles : Connexion au focuser, boutons avec un nombre de pas fixes dans les 2 sens, choix des micropas, GOTO, position max, retour en position Home (activation du fin de course d’un des 3 moteurs), calage de la position à zéro au choix et pas forcément lorsque le focuser est mécaniquement en position zéro.

En plus du choix des micropas, il est également possible de faire varier la vitesse à l’aide d’un curseur. Le bouton ré-initialisation des moteurs permet de les faire revenir individuellement en position zéro :

Housse arriere

Un bouton « Collimation » permet de faire apparaitre la partie pilotage de la collimation, bien que se soit pas forcément très utile puisqu’il faut normalement intervenir également au niveau du secondaire pour avoir une bonne collimation.

Mais on peut imaginer que si seul le primaire se dérègle, dans ce cas, on peut faire de la collimation à distance, soit en défocalisant une étoile, soit en utilisant un programme d’analyse des étoiles qui permet de déterminer l’écart de collimation (CCD Inspector par exemple).

Dans ce cas, on peut faire varier le nombre de pas de déplacement des moteurs à l’aide d’un curseur (de 1 à 20 pas de déplacement). 2 boutons par moteur permettent de faire varier l’inclinaison du barillet primaire.

Housse arriere

 

En conclusion, je dirais que le système m'a donné un peu de fil à retordre, surtout coté logiciel, mais pour avoir testé le système en place, je peux dire que ça fonctionne correctement et que ça offre un certain confort pour réaliser la collimation.

Et comme je disais un peu plus haut, on peut s'inspirer de ce système, notamment pour les dobsons de grandes dimensions, mais en utilisant des moto-réducteurs à courant continu dont on peut faire varier la vitesse de rotation aisément par simple variation de la tension d'alimentation. C'est me semble t'il plus facile à mettre en œuvre que des systèmes de tringlerie qui montent jusqu'à la cage secondaire.

Maintenant, il ne me manque que le développement d’un driver ASCOM pour pouvoir tester la focalisation via logiciel d’acquisition photo. Mais pour l’instant, n’ayant développé aucun driver, il faut que je m’approprie la méthode.